J’ai toujours voulu habiter à Paris. Rêve de petite fille. C’est étrange cette fascination ou ce dégoût qu’on a tous pour Paris. Il y a les pours, il y a les contres, divisés en deux camps bien distincts. J’aime Paris tout autant que je la déteste. Je lui en ai un temps voulu de me broyer de la sorte, de m’écraser, petite brindille, coincée entre ce type bizarre et cette fenêtre crasseuse. Paris, j’ai décidé que je ferais de toi ce que je voudrais, j’ai décidé que je ne prendrais de toi que le meilleur, et que j’arriverais à composer avec cette règle la.
Il y a ces fractions de secondes où mes sens en éveils, sur fond de ciel rose, réalisent quelle chance ils ont d’appréhender la beauté de cette place, de ce pont, de cette eau, de ce ciel, de ce parc. Il y a ces fractions de secondes ou le bonheur de se trouver à cet endroit précis est bien conscient. Il y a la place de la concorde au soleil couchant, ce film sous la verrière illuminée du grand palais, ce pique-nique bien franchouillard sur les quais, avec ce mec qui joue Hôtel California à la guitare à côté de toi, cette traversée de Paris Paris en vélo en pleine nuit, cette escalade sur les toits, avec cette vue, quelle vue à perte de vue, il y a le soleil et les terrasses, l’air doux, et le ciel rose, encore, les ponts dans la nuit, les reflets des lumières et les bateaux à touristes. Paris, je l’ai toujours su, mais dans ces cas plus encore que le reste du temps, entre toi et moi, il y a quelque chose de magnétique.
Tout ceci ressemble fort à un énième virage à l’échelle de ma petite vie déjà bien chamboulée ces trois dernières années. Trois ans, déjà trois ans, te rends-tu compte? Trois ans déjà qu’on a envoyé bouler le destin, qu’on a planté un couteau dans le dos à ces secondes suspendues dans ce bus en pleine nuit, trois ans, funeste anniversaire que nous fêterons dans l’indifférence la plus complète ou presque, trois ans, et je ne réalise pas, non non non, jamais, ce n’est pas possible. Little boxes, little boxes. Et des miettes de moi.
Et pendant quelques secondes, c’est elle qui veillait sur moi.
Désormais je sais, l’éternité a un goût salé.
Trois ans donc, et un autre virage, positif celui-là. Bonjour free-lance, statut tant annoncé, tant chéri et tant espéré. Soyons honnêtes, il y a du pain sur la planche, il va falloir travailler, beaucoup, et dur, et cela m’effraie quelque peu, mais j’en suis si heureuse. Cette liberté retrouvée et ce sentiment d’être seule maitre à bord de mon destin m’excite terriblement.