La gratitude

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Et la tentative constante d’approche poétique des formes, des couleurs, et de l’univers.

Paris, 17 mars 2016.

J’ai toujours créé mille projets, de collectifs, de magazines et autre constructions sur la lune. Je me suis toujours considérée comme extrêmement chanceuse de faire partie de toutes ces aventures, toutes ces aventures dans lesquelles je me suis retrouvée embarquée, parfois et même souvent, à mes dépends, c’est fou et si stimulant. Je met ça sur le compte du destin même si j’imagine que le destin se provoque quelque part. Je suis si heureuse d’avoir rencontrée tous ces gens sur ma route, tous ces gens que je ne mérite sans doute pas avec qui j’ai réalisé des choses dont je ne me serais jamais pensée capable. Je me demande souvent qui aurait bien pu parier sur moi il y a des années de cela? Qui aurait pu penser que je finirais par y arriver, arriver ici, là, à faire tout ça. Certains de mes professeurs sans doute, d’autres absolument pas. Je suis si heureuse d’avoir croisé tous ces gens sur ma route, les copains de Strasbourg, le collectif, mon premier amour, D, Mint, la famille de Mint, L, et M, et les parisiens, tous ces gens humbles, justes, curieux, simples, créatifs, malins et exigeants. Tous ces gens que j’estime tant et qui me stimulent au quotidien. Encore une fois je ne suis pas persuadée de mériter tout ça, mais j’en suis si heureuse. J’ai conscience d’être entourée de gens fantastiques et d’avoir l’opportunité de travailler sur des projets fantastiques.

La créativité est une science bien compliquée et je ne saurais expliquer ces moments de productivité intense qui suivent des périodes de sècheresse désolante. Cela fait désormais 2 mois que je vis ici et je sais que ce nouvel appartement correspond réellement à un nouveau souffle de vie et de créativité. C’est peut être con à dire, mais ce lieu m’inspire et je me sais et je me sens dans une phase bien particulière. J’avance et je me sens avancer. Alors, je travaille, trop, sans doute beaucoup trop mais cette sensation d’avancer après des mois et des mois passés à stagner est totalement grisante. Les choses ont toujours été ainsi je crois, et sans doutes que tous les créatifs vous en parlerons. Un jour il y a cette sensation d’acceleration, cette sensation d’euphorie après tant de frustrations.

Mint est un projet complexe qui soulève bien des questions en moi. J’aimerais que les choses soient simple mais elles ne le sont pas toujours. Elles le sont lorsque je tombe dans les bras de D. après une quelconque soirée alcoolisée et qu’on se rend compte de tout le chemin parcouru depuis qu’on s’est rencontrées il y a désormais plus de 10 années. Et puis elles ne le sont pas lorsque je dois gérer les aléas du travail bénévole, lorsque je dois gérer les égos et les critiques, lorsque je dois assumer le fait d’être décisionnaire. Je ne sais pas si la plupart des gens réalisent à quel point ce projet nous prends à tous un temps résolument monstre, ni la réalité du fait que nous n’avons pour l’instant en trois ans jamais touché un centime avec ce magazine, et que vraisemblablement tous les gens autour de nous auront été rémunérés bien avant nous. Souvent, j’aurais aimé que les choses soient simples et bêtement, les choses auraient été plus simples avec de l’argent, avec un putain de pactole de base. Non pas que j’ai un jour manqué de quoi que ce soit dans ma vie, bien au contraire je m’estime chanceuse et privilégiée d’avoir pu faire des études sans débourser un euro, juste que la réalité des choses fait que monter un projet sans argent en 2016, c’est compliqué, et que gagner de l’argent en étant créatif en 2016, c’est compliqué. Alors j’aimerais dire à certains, que Ô combien je comprends leurs problématiques et que moi aussi j’aimerais tellement que les métiers créatifs puissent être reconnus et rémunérés à leur juste de valeur, qu’on arrête une bonne fois pour toute de croire qu’un logo coûte 50 euros et qu’un site coûte 500 euros, qu’on arrête une bonne fois pour toute de croire que nos métiers sont un loisir et que s’abreuver d’amour et d’eau fraiche suffit à combler le déficit énorme que creuse tous les mois votre loyer parisien sur votre compte en banque. Paris est cruelle et jamais je n’ai autant été confrontée aux écarts de revenus et aux inégalités en tout genre qu’ici. L’argent c’est certain, est le nerf de la guerre, et le nerf de ma guerre, et le nerf de votre guerre, et je le vois bien, et je le sais bien, parce qu’on est tous dans le même bateau les gars.

(…)

Aujourd’hui, alors que je travaillais de façon tout à fait grisante à la réalisation d’une collection de vaisselle ( youpi youpi ), j’écoutais en fond sonore une série de conférences Ted, et puis il y a eu celle-ci, et elle fit écho à ces quelques mots lâchés dans un coin de macintosh la semaine dernière. J’écoutais donc cette conférence parlant de la « gratitude » et je repensais alors à ma déclaration d’amour de meuf bourrée post Omnivore à mes amis, à mes amours et à la créativité et puis aussi aux projets compliqués, et je me disais qu’il serait réellement intéressant de reproduire cet exercice plus fréquemment ( et de façon sobre si possible ). ( Aujourd’hui par exemple, c’était chouette de prendre le vélo ce midi, de déjeuner avec J. et M. et de recevoir de jolies propositions de collaboration cet après-midi. )

J’ai toujours et encore parlé de cette sensation de montagne russes ici et comprendra qui voudra, et qui pourra, ce qu’il y a à en comprendre, mais je me mets sans cesse dans des états contraires entre plénitude, et. Et. C’est vrai que quand je dresse un bilan de ce début 2016 j’aurais mille raisons d’être reconnaissante, mille raisons de me sentir en vie, et je pense que c’est tout ce qu’il faudrait que je retienne. La vie, la gratitude, la musique, le cinéma et Flavien Berger ( sans nul doute ).

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