Paris, dimanche 15 novembre et la vie, la résilience, sur les terrasses bondées des hauteurs de Belleville.
Dans le brouillard du début de l’année 2015, j’avais pris la décision de vivre plus. Vivre plus signifiait alors pour moi – et signifie toujours -, plus de concerts, plus de cinémas, plus d’expositions, plus de balades, plus de verres en terrasses, plus de bon restaurants, plus de nuits à danser, plus de soirées alcoolisées, plus de joies, plus de surprises, plus de rencontres, plus de curiosité en somme. Force est de constater que ce programme de campagne fut une franche réussite et que j’en suis plus qu’heureuse. Plus qu’heureuse évidemment avant de réaliser que ce style de vie aurait pu me la couter, la vie tiens. Comme beaucoup de parisiens, je fréquente les lieux pris pour cibles vendredi soir, ce sont nos lieux communs, et comme beaucoup de parisiens je me sens directement visée par ces attaques. Fort heureusement et assez égoïstement, ni mes amis, ni moi n’avons été directement touchés par cette horreur, mais je garde bien à l’esprit que ça aurait pu être nous. « Ce 13 novembre 2015, dans la capitale, la vie tenait aux places dispos en terrasse et à vos goûts musicaux. » disait ici Titiou Lecoq.
Vendredi soir vers 21H45, je descendais le tristement célèbre boulevard Richard Lenoir jouxtant le Bataclan, lorsque nous avons croisé une, puis deux, puis trois, quatre, cinq, six véhicules de secours toutes sirènes hurlantes visiblement pressés par l’urgence. Je ne sais si c’est la tension palpable dans l’air ou le souvenir encore vivace de cette même scène 11 mois plus tôt qui me fit dire cela à ce moment précis mais je demandais à P. « Charlie 2, tu crois? » avec une voix teinté d’angoisse et de défi comme si je prononçais alors une inquiétude interdite. Et sur le reste de notre chemin vers le cinéma nous avons parlé attentats déjoués relatant nos dernières lectures de journaux, sans imaginer une seule seconde que c’était bel et bien cette terrible intuition qui se déroulait à une centaine de mètres de nous. Ce ne pouvait pas être cela.
Et puis au bout d’une demi heure installés confortablement dans nos fauteuils rouges nous finiront par remarquer les dizaines de messages inquiets de nos proches sur nos téléphones. Nous avons quitté la salle de cinéma, et remonté le boulevard Richard Lenoir, encore, entre temps tout avait basculé, et toujours ces sirènes hurlantes. Ce fut le début d’une nuit sans sommeil, d’une nuit de mots inquiets et rassurants, une nuit de cauchemar, les oreilles accrochées à la voix de France Info à mesure de la découverte du carnage inimaginable, irréalisable, ici, Paris Onze.
Je ne suis pas encore passée sur les lieux du drame, j’attends le moment que je jugerais opportun, en attendant j’ai une énorme pensée pour les victimes et blessés et pour mes amis qui cette nuit là ont perdu ou faillit perdre des personnes qui leur sont chères. Certainement que la meilleure chose à faire désormais c’est de vivre, plus fort, encore.
Paris, mercredi 18 novembre, gros câlin au Casino de Paris.
Je ne sais pas trop quoi dire, et j’ai peur d’être maladroite, alors aujourd’hui j’aimerais juste déclarer l’amour encore plus inconditionnel que j’ai pour ma ville et le bonheur que je ressens à passer du temps avec mes amis, du temps qu’on continuera à passer ensemble autour d’un verre en terrasse et dans des concerts à danser, parce que c’est ça la vie, parce que c’est ça le bonheur, parce que c’est ça la liberté.
Hier soir, j’étais au Casino de Paris voir les anglais d’Hot Chip pour la seconde fois, ici même, dans notre joli Paris. Ce n’était pas un acte de défi ou de résistance, juste un hasard du calendrier, et l’envie de ne pas me laisser aller à la panique. Je ne vous dirais pas que je n’étais pas inquiète, ce serait vous mentir, parce que oui, désormais j’ai un peu peur dans Paris, mais je ne changerais rien à mes habitudes de vie. Le climat sécuritaire dans la salle semblait à son comble ( vigiles en surnombres, fouilles au corps systématique, rideaux baissés… ) certainement tout autant que l’était l’envie de se défouler et de danser du public.
Hier soir dans la salle, je crois que tout le monde n’était qu’amour. C’était comme un gros câlin tous ensemble, un gros lâché de réconfort. On avait tous envie de danser encore plus fort, de sauter encore plus fort et de crier encore plus fort. On avait tous envie de montrer qu’on était en vie et que rien ne viendrait entacher notre envie de vie. Hier soir dans cette salle les parisiens étaient beaux et heureux, et j’étais si fière d’eux, si fière d’être avec eux. Paris est une fête, pour ce soir, et pour tous les autres soirs à venir, quoi qu’il en soit, quoi qu’il en sera, toujours.
J’avais commencé cette playlist bien avant vendredi. C’était après le concert de Bagarre d’ailleurs, qui chantait Ris Pas au Badaboum, et puis à ce moment là j’écoutais le Paris de Sydney Valette, les Angles morts d’Aline et je m’étonnais de tant d’odes à Paris de la part de tous ces petits groupes français. Je crois que ça fait sens de la publier aujourd’hui, pas finie, un peu dans la hâte. Il y en a beaucoup d’autres, mais ceux-ci sont ceux que j’aime bien. Si vous avez en tête d’autres titres, dites moi. Prenez soin de vous !